Quelques indications pour mieux comprendre les dialogues de Platon

Le penseur est doublé chez Platon d'un artiste. Il a commencé par l'écriture des tragédies. Il était doué pour l'art dramatique, la comédie et la satire des ridicules. La forme dialoguée est par conséquent un outil qu'affectionne particulièrement Platon. Il imite en cela Socrate, infatigable questionneur. Platon n'a pas conçu d'autres méthodes que la dialectique socratique.

Le dialogue occupe la majeure partie des œuvres de Platon qui nous sont parvenues, à l'exception de l'Apologie de Socrate et des Lettres. Socrate, en général, est le protagoniste principal.

La structure des dialogues est complexe, mais nous pouvons distinguer 3 procédés :

•  Constatation des contradictions inhérentes aux données des sens ou aux jugements de l'opinion, constatation qui fait naître l'idée d'un dépassement susceptible de donner une vision d'unité, une vision cohérente.

•  Mise à l'épreuve sur une question donnée (qu'est-ce que la vertu ? par exemple) des réponses fournies, en vue d'en montrer l'inconséquence par rapport aux hypothèses posées au départ.

•  Ces deux procédés, négatifs, ont pour but de dégager l'esprit des fausses connaissances. Vient alors le procédé positif qui consiste à remonter à la définition.

On trouve donc deux mouvements complémentaires, le premier fait surgir la difficulté , libère l'esprit en suscitant en lui le désir du savoir. Le second tend vers la connaissance proprement dite.

Les premiers dialogues se limitent au premier mouvement, ils mettent en évidence l'ignorance, déblayant le terrain pour une recherche future.

Il ne faut pas oublier l'ironie socratique : bien souvent dans les dialogues, Socrate donne à son interlocuteur des raisons fallacieuses de ne pas répondre à sa question, en plus de la vraie raison, la raison méthodologique (en effet le problème posé par son interlocuteur est mal posé, ainsi Socrate fait une objection méthodologique ; par exemple dans le Ménon , Socrate répond à Ménon que l'on ne peut préciser les propriétés d'un objet, en l'occurrence de la vertu, sans avoir au préalable déterminé sa nature). Cette ironie a une fonction pédagogique : : donner à l'interlocuteur un sentiment de sécurité psychologique suffisant pour l'inciter à accepter le rapport maïeutique, à entrer dans le jeu des questions et des réponses. La finalité du rapport maïeutique est d'amener l'interlocuteur à prendre conscience des exigences logiques et rationnelles qui sont les siennes parce qu'elles sont universelles, et de l'inciter à mettre son discours en accord avec les exemples. Ce travail de prise de conscience ne peut être obtenu que par une pédagogie de l'échec et par l'analyse des raisons de l'échec.

Platon commença par des dialogues très simples à deux personnages, comme  Hippias  , Alcibiade  ,  Criton   ou  l'Euthyphron  . Il introduisit ensuite plusieurs personnages qui soutenait un point de vue différent,  le Lachés  , Le Charmide  . Enfin, les dialogues deviennent des drames en plusieurs actes avec la multiplication des interlocuteurs comme dans   Protagoras et  Gorgias  .

Dans Gorgias le dialogue s'engage entre les interlocuteurs sans préparation, mais en général, les circonstances et les lieux sont décrits. Vient ensuite la discussion du sujet. Cette discussion est distribuée en plusieurs actes séparés par des intermèdes. Ces intermèdes reposent l'esprit des discussions souvent arides. Les citations de poètes, les mythes égayent la situation. La progression est souvent lente et sinueuse, ces longueurs peuvent parfois impatienter. Certains ont pu dire que les grands dialogues contenaient à eux seuls toute une philosophie.

Il est parfois difficile de déterminer l'objet précis du dialogue, certains restent sans conclusion. Platon a voulu refuser des opinions courantes et préparer le terrain à la réflexion. C'est ainsi par exemple, que le   Ménon   continue et achève le  Protagoras  .

Les dialogues sont des œuvres écrites, destinées au public étranger à l'Académie (école de Platon). Ils contribuent à diffuser les idées platoniciennes.

Platon a toujours été très critique envers la « chose écrite » : le texte écrit n'est qu'un intermédiaire entre l'auteur et celui qui veut atteindre la vérité. Il porte en lui le risque d'empêcher le dialogue. Il n'est pas de vérité possible sans communication entre personnes vivantes et en présence les unes des autres.